Comment trouver l’équilibre du cheval en gérant la cadence/rythme.
Redonner du sens a l’echelle de progression

Historique
Pendant des années, l’équitation était surtout militaire, elle servait a défendre le pays. Chaque pays avait ses méthodes pour optimiser la santé, le physique et le mental de leur chevaux et de leurs cavaliers, car c’etait hautement stratégique d’avoir une cavalerie optimisées a tous les niveaux. C’est d’ailleurs incroyablement intéressant de voir a quel point ils étaient allés loin dans les analyses biomécaniques, physiologiques, physiques etc…
Puis après la deuxième guerre, le cheval n’a plus été un moyen utile aux armées, remplacé par les véhicules automobiles. La cavalerie est devenue plutôt symbolique et d’apparat.
Dans les années 1980, le cheval est devenu un loisir, les cavaliers apprenant a monter a cheval sur des chevaux formés. Une fois a l’aise en equitation et ayant les moyens, ils achetaient un cheval dans cette structure et étaient encadrés.
Le cheval se démocratisant de plus en plus, on a perdu de vue l’interet de cette méthode un peu rébarbative pour la perdre a priori presque totalement de nos jours.
C’est en faisant des miliers d’heures de recherches dans les livres anciens pour comprendre le succès des méthodes de l’époque que je suis retombée sur l’echelle de progression et toute sa génialité.
Elle est la synthèse de beaucoup de bon sens pour optimiser le physique, le mental du cheval et la confiance réciproque entre le cheval et le cavalier.


Je vais essayer de lui donner le bon sens que j’y ai compris pour ceux qui ne la connaissent pas. Pour offrir une solution qui redonne du sens a la manière de developper l’équilibre, la coordination et le physique de manière un peu plus ”autonome” pour les cavaliers qui auraient envie de profiter de cette connaissance si géniale pour le bien être du cheval et du cavalier, tout en optimisant leur relation réciproque, le physique et le mental du cheval:

J’y ai retrouvé presque tous les points qui faisaient le génie des textes des anciennes méthodes regroupée en un résumé. Malheureusement sans illustration claire de ce que représentent les mots de ce texte, c’est assez difficile de savoir, en tant que cavalier, si on est dans la bonne voie ou pas? (je parle de moi, je suis une visuelle, les mots ne sont pas assez precis pour que je sache quoi voir, ressentir, ecouter…)

Je vais rentrer beaucoup plus dans les détails pour expliquer un peu plus en profondeur la locomotion et le lien avec l’équilibre du cheval et du cavalier.


Le Rythme
C’est le petit détail qui change beaucoup de choses dans la relation avec la cheval
– Il permet de moins fatiguer le cheval car la locomotion sera plus facile pour lui, il sera plus stable, plus en équilibre. Moins de force pour propulser, moins de force pour amortir, moins de contrainte en rotation/torsion dans la colonne, les membres.
– Le cavalier sera plus stable, son corps sera moins a devoir compenser contre le mouvement du dos du cheval qui bouge de moins en moins quand il sera en équilibre. Moins de jambe qui fait essuie glace, moins de frottement de nos fesses sur la selle, moins de brulures aux parties intimes…
– La selle sera plus stable, moins de frottements, moins de surpressions qui gênent la locomotion du cheval, moins de gonfles…


Comment fonctionne la locomotion ”avec des jambes”

C’est une parfaite interaction entre les muscles, les structures et la gravité, ici résumées dans la phase d’appui (partie ou le pied touche le sol) de la foulée:

  • La phase d’amortissement :
    • Au contact du sol, les muscles amortisseurs, absorbent l’impact et contrôlent la descente du corps.
    • L’énergie cinétique de l’impact est emmagasinée dans les structures élastiques (tendons fascias …) puis restituée lors de la propulsion.
  • La phase de propulsion :
    • Les muscles extenseurs et l’énergie des structures élastiques se contractent puissamment pour propulser le corps vers l’avant.
    • Une partie de l’énergie emmagasinée lors de l’amortissement est utilisée pour cette propulsion.

Important de connaitre la définition des phases de la foulée
Une fouleé complète commence au moment du contact du pied au sol (ici le droite).
– Du contact au sol à la verticale du membre: on a la phase d’amortissement de la gravité
– Une fois passé la verticale, la jambe va propulser puis quitter le sol.
– Le pied droit va ensuite faire une longue trajectoire en l’air (appelée suspension) et au moment de toucher le sol, on a la foulée complète.

La phase en suspension est aussi partagée entre la phase ou la jambe revient de l’arrière jusqu’à la verticale (recovery), puis la phase en avant de la verticale jusqu’à l’amorti au sol (pré activation).

Ces deux phases a l’appui ou en suspension vont impliquer des groupes musculaires qui vont être en agoniste et antagoniste pour leur première partie de la suspension et de l’appui, puis changer leur rôle lors du passage de la jambe a la verticale.

Au niveau mecanique, physique, c’est la partie en appui qui va demander de la force pour lutter contre la gravité, puis pour propulser le corps.

Si vous allez voir les recherches sur le sujet en humain, vous pourrez voir la force de freinage (brake) qui va augmenter jusqu’au maximum (grf) quand la jambe est verticale, puis se changer en force de propulsion pour quitter le sol et continuer a avancer.
En vidéo, cela se presente ainsi:https://www.youtube.com/watch?v=L9kd7tyxbiA

Pour le cheval, cela se presente ainsi https://fb.watch/rycAJcE-Ot/

Ce qui donne cette séquence entre agoniste et antagoniste entre chaine ventrale et dorsale (responsable de la flexion et l’autre responsable de l’extension)


En locomotion, a chaque poser des sabots, il se crée une ”collision” avec le sol. Avec un cavalier sur le dos, le cavalier va subir ”passivement” cet amorti et cette propulsion. Au niveau des pressions, cela se passe ainsi:

La force exercée par le cavalier a un temps de retard, mais l’augmentation de la force sur le dos du cheval pendant l’amorti, puis le maximum, puis la propulsion est exactement la même


De manière physique, la vitesse augmentera l’énergie et la force qu’exercera le poids du cavalier sur la selle en parallèle
On a en moyennes un force
– d’un peu plus que le poids du cavalier au pas (poids du cavalier + selle + force de sanglage)
– d’environ 2x a 3x au trot
– d’environ 2.5x au galop

On peut aussi l’observer avec la position du cavalier (ici les talons qui ”freinent”) entre deux galops de cadences differentes


Impact de la désynchronisation des ”paires de jambes” sur l’équilibre du cheval et donc la force nécessaire par chacun des blocs qui entrainent chaque paire de jambes :
Si l’anterieur pose avant le postérieur, il va devoir absorber plus d’énergie (force), alors que si les deux sabots de la diagonale se posent en même temps, le corps du cheval est en équilibre et chacune des parties travaille de manière equilibrée. Le corps du cheval est en équilibre, le cavalier est beaucoup plus stable


De même lors de la propulsion, plus les diagonales sont désynchronisées, plus il y a besoin en force sur le membre qui reste le plus longtemps au sol et plus le dos du cheval va ”pencher”

De manière très géométrique et physique : plus le moment du lever de l’anterieur est tardif dans la phase, plus la cage thoracique du cheval va descendre, donc toute la cage thoracique sera abaissée au niveau du garrot.
C’est la phase où l’anterieur est entouré de rouge, quand il se lève plus loin qu’une verticale qui passe par le centre de gravité du cavalier (ligne jaune) le dos va descendre plus fort que si la foulée est plus courte (images de gauche)

Ici la différence entre une foulée ”trop longue” et une optimale:
Observables:
– quand la foulée au sol est plus courte, le cavalier est moins secoué d’avant en arrière, car le dos du cheval est beaucoup plus stable.
– le cheval porte son encolure plus haut car il est plus en équilibre


Au trot sans cavalier, on voit la différence de la pente du dos ”juste” en changeant la taille de la foulée


Ici au trot, on voit que raccourcir la foulée au sol permet de détendre le cheval, il se porte avec l’encolure ronde, le cavalier est plus stable. Il y a moins de tension dans les rênes car le cheval est plus en équilibre.

La cavalière cherche encore sa position, car c’etait les tous premiers changement de cadence du cheval
Le ressenti du moment ou le cheval sera en équilibre se ressentira aussi dans notre corps, car on sera moins ”secoué” d’avant en arrière.
Au trot en équilibre, on monte et on desecend
Au trot en déséquilibre, notre buste est poussé d’avant en arrière a chaque foulée.


Puis l’impact sur l’équilibre lateral: plus l’anterieur reste tard au sol, plus il va entrainer la cage thoracique en rotation


Plus la foulée au sol est longue, plus le bassin et les épaules vont se desaxer.
La colonne va faire une torsion

Plus la phase au sol est longue, plus l’axe du bassin va faire une grande rotation

Si on rajoute ”en plus” de la longue foulée, le déséquilibre du corps sur l’avant ou l’arrière, on a des torsions vraiment très importantes
Image 1 – foulée courte
Image 2 – foulée longue ”en équilibre”
Image 3 – foulée longue en déséquilibre sur l’arriere
Image 4 – foulée longue en déséquilibre sur l’avant

Tom Myers, un des plus connus auteurs sur les chaines myofasciales explique que selon l’équilibre du corps au moment du mouvement, les chaines myofasciales vont travailler différemment. Ici c’est tellement visible. Dr Giniaux disait même que les têtes des apophyses de la colonne vont s’orienter dans le sens inverse selon l’équilibre du corps. Je n’ai jamais eu de confirmation de cette différence, mais elle semble totalement plausible vu ce qui se passe dans les voltes pour le cheval.


Les épaules et le bassin font une rotation en sens inverse (ou dans le même sens selon l’allure) et la colonne fait une torsion plus ou moins grande.


SOLUTION

Raccourcir la longueur de la foulée passe par les transitions, tout le travail du rythme qui est le niveau 1 de l’echelle de progression du dressage.
Ralentir le cheval dans un premier temps pour lui apprendre a faire des foulées plus courtes.
Demander plus de cadence sans laisser augmenter la vitesse, cela va faire des foulées plus courtes et le cheval aura plus d’impulsion car la propulsion se fait depuis un angle de la jambe qui permet d’utiliser l’énergie elastique des tendons/ligaments/fascias…


Voila l’explication biomécanique issue de la course a pied :


Une vidéo qui explique l’impact biomécanique d’augmenter la cadence en gardant la même vitesse permet de faire des foulées plus courtes, moins de force pour la propulsion, moins de force nécessaire pour amortir, moins de fatigue, moins de contraintes!

Moins de force pour propulser!


Moins de force d’impact, moins de force nécessaire pour amortir, moins de contrainte sur le corps


Ce mouvement de bas en haut du corps était deja bien expliqué en 1930 (Cdt Licart Equitation raisonnée)


Ou dans un livre plus recent, le Rythme de Xavier Delalande.


Ou dans les recherches, on met en évidence que poser le pied plus en avant du corps fait descendre le corps plus bas (le traitillé) et le corps doit plus amortir de force.

La clinique du coureur dont je m’inspire beaucoup explique que plus le poser du pied est en avant, plus ca sera le corps qui doit amortir cette force (y compris un impact sur le dos) alors que poser le pied plus proche de la verticale permet d’amortir par les muscles des jambes, sur une jambe un peu flechie, donc impact minimal sur l’articulation du genou et du dos.

Un mot sur le fameux engagement:
Si vous avez bien suivi ce qui précède, on cherche donc le poser du sabot le plus proche possible de la verticale pour minimiser l’impact sur le corps du cheval. Mais pour la partie en suspension, oui, on devrait arriver a articuler le sabot en l’air pour qu’il aille chercher le plus loin possible en avant, faire son retour en l’air et poser avec de la vitesse pour freiner un minimum son corps.

Une superposition de mouvement idéal des membres qui vont loin en avant, changent de direction et ensuite se posent au sol.
La longueur de la foulée globale sera bien en avant de ses traces, car la phase en suspension part avec beaucoup de puissance disponible.
La synchronisation des poussées des diagonales est essentielle aussi!

Idealement donc, le sabot ne devrait pas se poser ”en fin de trajectoire” mais avoir repris de la vitesse en retraction AVANT de se poser au sol.

Le lien avec l’echelle de progression
Tout est expliqué dans l’echelle de progression, redonner du sens biomécanique a ces ecrits m’ont beaucoup aidé.
Ici quelques morceaux choisis:

Mais deja, pourquoi faire de la correction d’allure?
Simplement car le poids du cavalier va se mettre sur l’avant du cheval, il va créer un déséquilibre sur l’avant main, et la reaction de la majorité des chevaux sera de précipiter.
Commencer par la correction de l’allure permet de remettre les jambes en synchronisation et le corps du cheval progressivement en équilibre avec un cavalier sur le dos.
C’est un travail de coordination reflexe qui necessite de decomposer la gestuelle depuis les basses vitesses puis de progressivement augmenter la difficulté (vitesse, allure, courbes, serpentine pour entrainer l’ambidextrie)

Le rythme : la séquence correcte du son des battues, en terme de répartition (au pas : 1-2-3-4) et non 1….2-3….4 et de volume du son (chaque poser devrait faire le même son 1-2-3-4 et non 1-2-3-4) Ce sont les observables auditifs de l’équilibre du cheval. A chaque defaut, on devrait ”faire quelque chose” pour le rétablir. Plus longtemps le cheval sera sans defaut de rythme, plus il developpe sa capacité de portage.

Ne pas laisser le jeune cheval descendre dans une cadence trop lente, cela permet de lui faire des phases plus courtes au sol, qui sont moins énergivore et moins impactante pour les articulations. Cela leur permet de bien developper optimalement leur musculature et leur posture.

Ce qu’écrivaient les anciens sur le sujet, tellement plein de bon sens sur le plan physique comme mental!
C’est mon mantra depuis longtemps!


Cette optimisation de l’entrainement du cheval permet de developper leur posture/musculature, certes, mais surtout de leur garder une motivation optimale car tout defaut dans le rythme a été corrigé par le cavalier.
Tout defaut du rythme montre une faiblesse dans le corps du cheval, soit trop de fatigue, soit un manque de coordination. Problèmes qui ne se corrigent pas en demandant plus, mais bien en arrêtant le cheval pour lui donner un temps de récupération ou de passer a un exercice plus simple qui lui permet de retravailler les bases et la decomposition de la coordination a acquérir.


L’impulsion, graal de l’equitation a donc
– une dimension physique: le developpement suffisant des structures du corps du cheval qui ont la force de propulser et amortir son corps avec un cavalier sur le dos et sur la durée.
– une dimension mentale: le cheval a developpé une confiance en lui et en son cavalier pour oser essayer. Tout ce qui est dans l’analyse de la motivation dans de nombreux domaines est extrêmement intéressant.

On ne peut pas ”obliger” quelqu’un a être motivé, la punition ou la récompense sont les manières les plus connues pour motiver le cheval. La vraie motivation intrinseque de passer un bon moment en confiance avec son cavalier est encore a un autre niveau.


La qualité du contact est aussi un observable de l’équilibre du cheval. Plus il y a de tension dans les rênes, plus le cheval peut être en déséquilibre. A noter que c’est totalement independant de la position de la tête encolure. Il y a des chevaux en déséquilibre avec la tête en bas ou en haut.
La tête encolure étant le baromètre de l’équilibre du cheval, elle devrait pouvoir se changer en fonction de l’amplitude de la foulée, elle devrait rester un observable, le prolongement de l’équilibre (ou non) du corps.
Les descentes d’encolure et relèvement sont des techniques pointues qui ne devraient pas être utilisées sans connaitre les limites.

Pour vérifier si notre cheval est en équilibre pour un observateur extérieur, on regarde
– la synchronisation des poser et lever des sabots au trot, au galop, on peut le voir sur le poser et lever de la diagonale.
– que l’anterieur ne reste pas au sol en dessous la verticale du cavalier (ligne bleue traitillee)


Je vais essayer de mettre des illustrations pour un maximum de points de l’echelle de progression pour qu’elle ait plus d’observables pour que les cavaliers puissent savoir s’ils sont sur le chemin du progrès, ce qui les rends de plus en plus confiants en eux …la fameuse roue de Deming qui est un outil tellement precieux dans plein de domaines professionnels